Cathy Burghi

Les métamorphoses d'Eros

L'oeuvre de Cathy Burghi repose sur un paradoxe : quand, d'un côté, elle aborde le problème – ô combien difficile et angoissant - de la communication érotique des êtres, de l'autre, elle parvient à faire de ce problème le support d'une série d'images dont la profondeur critique n'a d'égale que la sérénité plastique qui en émane.

Les métamorphoses d'Eros

Un principe fondamental est exprimé comme il suit : le « communication » ne peut avoir lieu d'un être plein et intact à l'autre : elle veut des êtres ayant l'être en eux-mêmes mis en jeu; placés à la limite de la mort, du néant.Georges Bataille

Telle une poète de l'intime partie en quête d'un langage capable de retranscrire les étapes par lesquelles une conscience passe pour se connaître elle-même et, plus encore, peut-être, pour se fondre dans une autre, son oeuvre possède cette double qualité rare et surprenante de venir des tripes – de toucher à la viande (comme le disait Deleuze de la peinture de Francis Bacon) – et d'être belle, délicate, raffinée, fragile, comme seules d'ordinaire savent l'être les oeuvres qui se contentent de rester superficielles – par profondeur.

« Je parle de choses assez terribles, mais d'une manière légère, d'une manière non pathétique. Je n'aime pas l'art qui veut tout dire de manière frontale. Je n'aime pas regarder des peintures « pathologiques ». Je préfère des choses plus poétiques, plus légères, plus esthétisées. C'est pourquoi il y a un côté léger, un peu « bonbon », dans mon travail. En fait, je crois que ce que je fais, c'est d'aborder des questions « lourdes », « profondes » tout en donnant à ces questions une forme légère, retenue, consciente. C'est là, je crois, ma manière que j'ai trouvé de rester enfant.»

Série Double identité - Cathy BurghiSérie Empreintes intérieurs - Cathy Burghi

Dialectique de la communication érotique.

Essayons, maintenant, d'expliciter le contenu de ces questions en les rapportant aux différentes séries de dessins sur fils qui composent la partie de l'oeuvre de Cathy Burghi à laquelle nous nous intéressons. Fidèle à la pensée de Freud1, c'est sous la forme de créatures armées de pseudopodes et se prenant elles-mêmes pour objet de leurs propres désirs que Cathy Burghi, dans sa série intitulée Empreintes intérieures, a su le mieux saisir l'image d'un être narcissique, isolé, et dont le corps, ne disposant pas encore du regard de l'autre pour s'unifier, est resté, en quelque sorte, à l'état larvaire.

Puis, passant du stade de l'auto-érotisme à celui de la conscience de soi, Cathy Burghi interroge alors, sous la forme de personnages dédoublés, les différents types de relations qui peut entretenir un être avec son Surmoi. Relations tantôt agressives, tantôt troubles, tantôt pacifiées, ce qui demeure pourtant constant dans cette série des Double identités, c'est l'image d'un corps qui se développe, se recompose et tend vers son unité.

Enfin, s'élevant, d'un bond, du stade de la conscience de soi à celui de la fusion érotique des corps, c'est dans sa série Notre sang que Cathy Burghi nous donne à voir ce qui seul peut permettre à un corps de sortir de son isolement. Relié par un fil rouge, les couples qu'elles dessinent ne sont plus alors seulement des êtres qui se ressemblent (et qui tentent de vivre ensemble), mais des êtres qui fusionnent à mesure que, se penchant sur le bord de leur néant, leur identité s'efface.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Cathy Burghi est une artiste uruguayenne qui vit et travaille à Paris.

http://www.cathyburghi.fr/