Eric Poitevin

Exposition à la Galerie Neslon-Freeman du 10 novembre au 21 décembre 2007

Il est délicat de chercher à parler des photos d'Eric Poitevin sans prendre le risque de les obscurcir – de les obscurcir en les dévoilant. Plutôt que de dire ce à quoi elles renvoient, osons pour une fois, et pour une fois seulement, nous laisser happer par leur silence magnétique – par leur silence murmurant.

A l'heure où la campagne s'éveille, les sous-bois s'éclairent par endroits d'une petite lumière blême. Les branches frêles des arbres rampants s'étendent alors vers le ciel comme si les nuages étaient devenus pour elles leur nouveau feuillage d'automne. Tout est à l'envers et sans dessus dessous. Pour l'oeil qui les regarde les repères se brouillent et disparaissent : il n'y a plus de gauche ni de droite, ni de haut ni de bas – mais une seule et même surface où tous les détails s'égalisent.

Dans cette mise en retrait de l'espace quotidien, seule l'idée du temps persiste. Mais ce temps n'est plus celui de l'horloge, ni même celui du mouvement : c'est le temps mis à nu de l'ennui – ce temps aphasique qui seul rend au monde la plénitude de son être. Nous sommes les otages d'un monde muet disait Francis Ponge. Faisant écho à cette parole du poète, les photos d'Eric Poitevin nous rappellent elles aussi cette propriété organique du silence : il contient plus que ce que le discours ne pourra jamais en dire.

Ainsi se tient devant nous l'énigme ouverte d'un portrait de vigneron; la peau ridée, et le regard rentré en dedans, ce n'est pas nous qui le voyons, mais lui qui nous observe depuis les replis cachés de sa pure apparence. Pour le voir sans l'effacer, nous n'avons d'autre choix que de nous laisser happer par son mystère – par son silence envoûtant.

Mais quelle découverte terrible nous attend au bout de ce chemin « silanxieux »... En allant à la rencontre d'un pur monde d'objets - d'un monde muet - ce n'est pas la vie que nous trouvons mais le masque mortuaire de sa disparition. Posés sur des socles blancs, à la manière des statues antiques, des cadavres de biches et de cerfs s'imposent à nous dans leur dernier silence.

Sans titre - Eric Poitevin

Loin de l'image fugitive et gorgée de rêve que ces bêtes laissent parfois dans la tête du promeneur, seules quelques traînées de sang coulant le long de leur triste promontoire nous forcent un instant à nous rappeler leur vie passée. Bien sûr, ce n'est pas l'image qui les assassine – mais cette fois peut-être, plutôt que le silence, ces images réclament de nous que nous poussions un cri !

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Eric Poitevin est né en France, à Mangiennes, où il vit et travaille.

www.galerie-nelson.com
Lieu d'exposition

Galerie Nelson-Freeman

Eric Poitevin

du 10 Novembre 2007 au 21 Décembre 2007

59, rue Quincampoix - 75004 Paris - Métro : Châtelet

www.galerie-nelson.com