Ghérasim Luca

Poèmes mis en voix par Laurent Vacher à la Maison de la poésie du 21 au 25 mai 2008

Qui connaît les poèmes de Ghérasim Luca le sait : les dire implique de s'y laisser glisser, d'accepter de se perdre dans leurs syncopes ânonnées, bégayées jusqu'à faire de tout mot parlé l'ébauche d'un autre jeté. L'audace de Laurent Vacher n'était donc pas des moindre, et pourtant... grâce soit rendue à sa divine témérité, car le temps d'un envoûtement, il a lui aussi fait partie de la chaîne sacrée qui relie tout poète à sa muse, à sa pierre magnétique, obscure et sacrée.

Description

Mal à l'aise, le poète – ou ce qu'il en reste (son interprète) – entre en scène. Héros-limite cerclé de gouffres, il jette un regard sur son public et sourit comme un enfant. Autour de lui, le décor se réduit à une table (supportant un verre d'eau vide), des pupitres (sans partition) et un accordéoniste (Johann Riche) tout droit tombé de la lune. Ne riez pas ! Le poète s'apprête à parler. De lapsus en Witz, de silences en onomatopées, sa voix bégayante va défier le langage et le forcer à parler une langue qu'il ne connaît pas;

Laurant Vacher - Ghérasim Luca

Une langue fragile et ondoyante sans référence ni signifié : la langue de Ghérasim Luca ; poète roumain et apatride qui finit par se jeter dans la Seine (là-même où avait déjà fini Paul Celan) le 9 février 1994. En 1953, il écrivait déjà : « ... oui il y a la ré, la réconciliation entre se suicider et être suicidé, à l'insu du troisième terme issu de l'insur, de l'insurrection et de la ré, sursur, de la résurrection. » Et cette réconciliation sans insurrection ni résurrection, c'est « ce monde où les poètes n'ont plus de place » qui lui a donné.

Fragments d'analyse.

De l'amour à la mort en passant par la mort morte et les vertiges de la non-aimée, il y a Olga, assise sur sa métachaise, la manie de la manière chez maman le soir à la manière d'un cheval, les dix-huit paires de chaussettes du désespoir dans les fourchettes de ses jambes, et puis le zéro... « ce rond zénith des chiffres... lu lu lubrifiant l'absolu ». Mais ce serait sans compter les 16 objets, qui portent chacun le nom du nombre de trous qui ont servi à sa confection, la main invisible qui repose sur un lion lui-même invisible dans une chambre parfaitement subitement invisible, et puis, et puis surtout, l'obscène mitrailleuse de ses dix doigts luttant contre « la grande tortue métaphysique, la fameuse tortue de la métatorture éternelle menaçant de sa lourdeur grise tortionnaire et métaphysique la beauté physique de la métafemme concrètement assise sur sa métachaise volante... ». Comment dire plus ? De l'amour à la mort s'évase la terre môle de l'aréal Ghérasim.

En guise de conclusion, citons dans le désordre, la liste des textes lus par Laurent Vacher, tantôt homme, tantôt femme, tantôt fragile, tantôt d'acier – et soutenu dans son délire par les notes météoriques de son accordéoniste lunaire : ... Héros-limite, Autres secrets du vide et du plein, Ma déraison d'être, Auto-détermination, Le rêve en action, Hermétiquement ouverte, Initiation spontanée, Le triple, L'écho du corps, Aimée à jamais...

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Ghérasim Luca est un poète roumain né à Bucarest en 1913 et mort à Paris en 1994.

fr.wikipedia.org/wiki/Ghérasim_Luca
Lieu d'exposition

Maison de la poésie

Héros-Limite, Ghérasim Luca

du 21 Mai 2008 au 25 Mai 2008

Passage Molière 157, rue Saint Martin 75003 Paris - Métro : Rambuteau

www.maisondelapoesieparis.com