Davor Vrankic

Exposition à la Galerie Deborah Zafman du 6 septembre au 4 octobre 2008

Que s'est-il passé, ces dernières années, dans l'esprit de Davor Vrankic pour que les scènes de mêlées humaines s'y effacent, qu'elles y disparaissent même au profit de créatures étranges - mollusque-livre, limasse-coquillage, langue-escargot, parfois posées, souvent enroulées dans de petites nappes blanches ? Presque rien, serions-nous tentés de répondre, si ce n'est la redécouverte d'une pensée qui sait faire de la violence le point de départ de son propre dépassement.

Davor Brankic
ou l'itinéraire d'un esprit baroque


I Le Retour de Pinocchio

Suspendus à des cordes, de faux anges volent tandis qu'un homme, le nez plus grand que celui de Pinocchio, a le cou cerclé de fer et les deux mains attachées dans son dos. Le peuple, unanime, le regarde, l'injurie, le frappe avec des pierres. Il est le grand coupable ! Le pharmakos comme disaient les grecs, celui dont le visage porte les marques de la peste et de la guérison. Au second plan, une prêtresse vêtue de blanc salue la foule et accueille sa divinité : une grande statue de bois portant comme deux ogives ses seins. On dirait qu’elle marche en trébuchant et qu'elle a les yeux bandés par un sceau.

Le retour de Pinocchio - Davor Vrankic

Et pourtant, cette pauvre créature, à peine ébauchée, recèle la clé du tableau que nous contemplons : si les hommes s'entendent pour concentrer leur violence sur un seul, c'est parce qu'ils ressemblent

à cette figurine de bois qui marche en aveugle sans savoir où elle va. Ils accumulent en eux tant de jalousie, de convoitise et de haine, qu'à l'instar de l'animal qui a faim, ils se jettent tous en meute sur celui que leur instinct juge le plus faible. C'est là presque un miracle : dès que la foule frappe de son éclair la victime, son corps tout entier devient l'objet d'un culte; l'incarnation innocente de toutes les rancœurs réunies.

Son sacrifice, quoiqu'il paraisse, n'est pas un acte cruel. Bien au contraire, il est le moyen par lequel l'imaginaire de Davor Vrankic a su se libérer de la violence qui hantaient ses dessins. C'est du moins ce que nous suggère le tableau qui sert de titre à sa dernière exposition et qui clôture à sa manière près de dix années de figuration.

Go to sleep, you're too big for a lullaby

Représentation hallucinée d'un frigo de grand restaurant dans lequel se trouveraient pèles mêles - poule, coq, lard, jambon, saucisson, tête de boeuf, lapin, gigot et pigeon - « go to sleep, you're too big for a lulluby » ressemble à une arche de Noé toute entière destinée à remplir l'estomac de Gargantua : toutes les œuvres de la création s'y trouvent, prêtes à être consommées. Cependant, à la différence du Retour de Pinocchio, la victime n'est plus un homme mais un animal et l'atmosphère tragique a viré à la tragi-comédie. Le rituel de la mise-à-mort s'est transformé en une scène de la vie ordinaire; Les animaux y sont encore les victimes de l'appétit des hommes, mais en eux, toute trace de violence a disparu. La barbarie reçoit en somme dans ce tableau son ultime rituel et signe ainsi la fin des combats dans l'univers de Davor Vrankic. Dorénavant, pourrait-on dire, le rêve de l'artiste est libre de se tourner entièrement vers la matière sans plus avoir à se soucier de la violence qui l'anime.

Je t'aime beaucoup (2008)

Dans le tableau « Je t'aime beaucoup », tout se passe comme si la luxuriance des formes végétales trouvait sa condition de possibilité dans la présence d'un poisson mort dont la gueule est remplie de chair à saucisse. Ou bien encore, pour prendre un autre exemple, l'apparition de fleurs au premier plan du tableau Inside n'est-elle pas, elle aussi, subordonnée à la décomposition de la chair animale qui sert de sujet au tableau. Autrement dit, il y a dans chacune des œuvres qui composent cette nouvelle série, une sorte de renaissance de la matière végétale dont l’élan et la force sont le résultat de la mise-a-mort du règne précédent.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Davor Vrankic est un artiste Croate qui vit et travaille entre Paris et New-York

www.deborahzafman.com
Lieu d'exposition

Galerie Deborah Zafman

Go to sleep, you're too big for a lullaby

du 6 Septembre 2008 au 4 Octobre 2008

3 - 5 passage des Gravilliers 75003 Paris

www.deborahzafman.com