Véronique Denoyel

La sonorité des images

S'il est presque impossible de regarder une oeuvre de Véronique Denoyel sans, dans le même temps, en faire l'expérience physique, c'est que cette artiste possède, d'une manière toute intuitive, ce que Kandinsky nommait, dans un langage plus formel : une science de l'harmonie en peinture. Jouant avec les formes et les couleurs comme d'autres jouent avec les sons et les rythmes, ses oeuvres ont une simplicité, une force, une efficace, que seule la musique, d'ordinaire, est capable d'atteindre; car la musique, à l'instar de la peinture telle que la pratique Denoyel, a ce privilège de pouvoir toucher directement à l'âme d'une personne – sans avoir, pour cela, à en passer par un code symbolique.

La sonorité des images

Projeter la lumière dans les profondeurs du coeur humain, telle est la vocation de l'artiste.
Robert Schumann

Pour entendre ce qu'à de spécifique le timbre de l'oeuvre de Véronique Denoyel, cela requiert, à mon sens, de ne pas aller en chercher la moelle du côté d'une abstraction sévère (de type suprématiste – Malévitch) mais du côté d'une abstraction joyeuse, d'une abstraction telle que la pratiquèrent Paul Klee et Juan Miro. Car ce n'est qu'à partir du moment où les Abstractions Géométriques de Denoyel retrouvent l'atmosphères tendre et rieuse à laquelle elles appartiennent – et non l'espace désincarné des mathématiques ou de la médiation – que leurs harmoniques colorées peuvent prendre tout leur relief, que leur mélodie peuvent enfin se faire entendre avec éclat.

En effet, quelques soient les différences de tons, de compositions ou de formes – qui font de chacune de ses peintures un tout unique – c'est toujours, me semble-t-il, avec le même désir enfantin, avec la même spontanéité, avec la même énergie primitive que cette peintre-poète s'empare de ses pinceaux; qu'elle se jette à corps perdu dans l'univers coloré qui est le sien. Forant la matière ici, extirpant des figures leurs contours trop précis là, c'est sous la forme d'une symphonie en mode majeur que m’apparaissent ces oeuvres :

Broderie Urbaine - Véronique DenoyelCarrés bleus - Véronique Denoyel

un grand corps de couleurs étendues sur le vide; un corps dansant, un corps de poésie; oui, telle est l'image qui sur ma rétine reste quand je ferme les yeux, après avoir contemplé suffisamment longtemps un tableau comme Les humeurs du monde.

Opposant, ainsi, aux injonctions cyniques de l'art « dit » contemporain, sa charge de candeur, ce qui donne à l'oeuvre de Denoyel sa réelle puissance, c'est qu'elle s'efforce sans cesse, comme le Cancre du poème de Jacques Prévert, de dire oui avec son coeur et de dessiner, sur le tableau noir de notre temps, le visage d'une peinture plus humaine. Et par plus humaine, je ne veux pas dire une peinture de la chair-souffrante mais – tout au contraire, une peinture de l'âme-joyeuse, de l'âme-joueuse, de l'âme encore innocente. Car c'est d'innocence que nous avons aujourd'hui le plus besoin, de primitivité, de candeur (et non d'un art qui ne prétend être que le reflet des horreurs du monde). Or, c'est précisément toutes ces qualités qu'a à nous offrir l'oeuvre de Véronique Denoyel. Qu'elles trouvent ici l'hommage que nous voulions leur rendre.

« Silencieuses et bavardes mes toiles... je les aborde intuitivement avec le coeur, sans réfléchir, les premières tâches donnent le son. Ensuite vient le temps plus lent des touches plus cérébrales, travaillées en all-over, la broderie s'installe. »

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Véronique Denoyel est une artiste française

www.artmajeur.com/denoyel/