Nicolas Galtier

La force du motif

S'il est vrai que l'oeuvre de Nicolas Galtier relève, en apparence, d'un style de peinture que l'histoire de l'art appelle le « pattern painting », c'est-à-dire, d'une peinture se concentrant sur le motif, les textures et les effets de lumière – et non sur le figure – il serait faux, en revanche, de voir en elle une simple peinture décorative. Car le motif, pour cet artiste, ne coïncide pas seulement avec une recherche d'équilibre et d'harmonie, mais se double, aussi, d'une ambition visant à faire de cette quête purement esthétique le point de départ d'une nouvelle approche de la vision et de l’énergie qui est contenue en elle : « Dans chacune de mes peintures » écrit Nicolas Galtier, « je voudrais réussir à traduire la présence du sacré et, dans un même mouvement, rendre sensible que le sacré est un simple niveau d'apparition, une attitude de l'Esprit envers les images qu'il crée. » C'est en direction d'une telle attitude de l'Esprit que nous nous proposons, maintenant, de méditer.

La force du motif

« L'archétype s'inscrit dans une trame de représentations apparentées entre elles, conduisant toujours à d'autres images archétypiques et se chevauchant constamment les unes les autres, et dont l'ensemble forme le singulier tapis de la vie. »
C.G. Jung

Demandons-nous, d'abord : quelles sont, exactement, les images que crée Nicolas Galtier ? Et, plus précisément encore, à quel ordre de réalité appartiennent-elles ? A cette double question, il faudrait, pour commencer, répondre: ces images sont des échos, des traces, des réminiscences de ce que l'humanité, à travers son histoire (et la diversité de ses cultures, de ses mentalités, des ses arts) a réussi à capter des Formes-Archétypes qui peuplent son inconscient, c'est-à-dire, des Formes qui, non seulement, sont au fondement de notre appréhension du monde (en tant que Formes symboliques), mais auxquelles, aussi, se rattachent certaines émotions primitives qui en font de véritables « potentiel d'énergie psychique »1. En effet, chaque motif, chaque ornement, dans les oeuvres de Galtier, semblent toujours vouloir évoquer, par-delà le lien qui le relie à une culture, à une époque ou à un style donné (depuis la préhistoire jusqu'au monde du design contemporain, en passant par l'art des civilisations étrusques, byzantines, etc.), la présence d'une « géométrie sacrée » dont la fonction serait de pouvoir réussir à remettre en activité des parties de notre cerveau qui, dans notre vie quotidienne, nous n’exerçons presque pas, voir pas du tout. Autrement dit, les images de Nicolas Galtier ne sont pas seulement ses créations (au sens où il en serait subjectivement l'auteur) mais les créations d'un Esprit auquel Galtier participe; Esprit qui, dans le même temps, l'englobe, le dépasse et l'illumine.

Untitled - Nicolas GaltierUntitled - Nicolas Galtier

« Dans toutes les cultures, il y a une déclinaison des motifs. Le nombre d'or. L'architecture. Tout cela est lié. Il y a une intuition collective du motif. C'est ce que j'appellerais : une géométrie sacrée. C'est à partir d'une telle géométrie que se déploie mon oeuvre. »

Mais, à cette « géométrie sacrée », qui donne à l'oeuvre de Galtier son vocabulaire, il nous faut encore ajouter un autre élément pour que notre interprétation soit complète. En effet, ces créations, non contentes de nous exposer à des Formes-Archétypes, ne cessent, aussi, dans le même temps, de les mettre au contact d'une force qui, tout en venant altérer les Formes qu'elle supporte, leur insuffle, en prime, l'élégance fragile ou, pour mieux dire encore, la beauté pathétique d'un être, d'une chose, qui se dévoile tout en s'effaçant. Quand, d'un côté, les oeuvres de Galtier nous donnent à voir sous de multiples facettes (qui ne cessent de varier en fonction des jeux de lumières que crées les poudres et les feuilles de métaux – or, argent, cuivre, bronze, fer – utilisés dans la confection de chacune de ses toiles) les Formes – les patterns – sur lesquels se fonde l'ordre symbolique de notre monde, de l'autre, ces oeuvres nous montrent ces Formes comme étant toujours-déjà prises dans le mouvement englobant d'un écoulement, d'une durée, qui les ramène à l'état de leur simple être en puissance. Autrement dit, dans l'oeuvre de Galtier, ce qu'il s'agit de voir n'est pas seulement le motif comme ornement, ni l'ornement comme indice d'une « géométrie sacrée » mais, peut-être plus encore, le mouvement paradoxal qui unie, en une coïncidence des contraires, le mouvement vertical des Formes-Archétypes au mouvement horizontal du temps linéaire : «Chacun de mes tableaux est un passage. Un passage pour aller au-delà. Et cet au-delà n'est pas défini. Quand je parle du divin, je parle de l'humain qui va plus loin que l'humain. Mes toiles ne sont que des réceptacles de cette inspiration première. Tout est une question de vision. Faire vibrer le sacré, en donner la caresse. Voilà le but ultime que se donne ma peinture. »

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Nicolas Galtier est un artiste français.

www.nicolas-galtier.com/fr/presentation