Pieter Bruegel

Exposition à l'Institut Néerlandais du 2 octobre au 30 novembre 2008

Même si les dessins de Bruegel, Rubens, Heemskerck et Straat traitent tous de sujets religieux, leur propos n'est pas édifiant. Loin d'être des images évangéliques, ces œuvres explorent l'envers de la révélation christique – ce qui, dans le monde populaire du 16ème siècle, reste encore profondément sourd à l'appel de la grâce.

La renaissance archaïque

L'histoire de l'art aime à considérer la Renaissance comme étant le siècle de l'humanisme. Mais cette idée, aussi juste soit-elle, ignore la part « négative » ou souterraine qui a poussé les créateurs de ce temps à se tourner vers l'antiquité tardive pour y redécouvrir des modèles dignes d'admiration. En effet, alors que toute l'iconographie du moyen-âge s'évertuait à rendre visible, pour toute une population d'analphabètes, le contenu des histoires de la bible, des artistes comme Bruegel et Heemskerck cherchèrent à mettre en scène l'effet qu'eurent ces images sur des hommes aux mœurs encore largement archaïques.

Dans le dessin L'Ire de Bruegel, ce qui est mis en avant n'est pas le sentiment d'amour propre aux Évangiles, mais la colère, le courroux, la haine et l'envie : une sorcière roule sur un tonneau, un homme grille sur un pic, d'autres cuisent dans un chaudron tandis qu'une église brûle et qu'un prêtre guide une foule en liesse vers la curée. Loin des clichés vertueux et des peintures d'églises, Bruegel ose ici nous montrer la réalité de son époque dont l'essence n'est pas chrétienne mais antique – au sens où l'antiquité ignorait justement le christianisme et la grandeur de sa révélation. "De l'esprit, de la superstition, de l'athéisme, des mascarades, des poisons, des assassinats, quelques grands hommes, un nombre infini de scélérats habiles et cependant malheureux, partout des passions ardentes dans toutes leurs sauvages fierté : voilà le quinzième siècle". (Stendahl, Histoire de la peinture en Italie)

Incapable de mettre en pratique le message biblique, le siècle de Bruegel n'a fait que travestir le christianisme en redonnant aux prêtres le rôle qui était naguère le leur - rôle de sacrificateurs au service d'une foule dont la colère ne peut s'apaiser en dehors d'un crime collectif. Prenant ainsi à contre pied la Renaissance et la contre-réforme, Bruegel nous montre la seule réalité sans équivoque de son époque : la victoire des forces Sataniques sur le message des Évangiles.

Allégorie avec la chute d’un cheval - Maerten Heemskerck

De la même manière, dans son dessin – Allégorie avec la chute d'un cheval – Heemskerck ne met-il pas en scène les conséquences paradoxalement néfastes qu'eurent sur le moyen âge le message biblique ? De l'attelage cher à Platon, il ne reste plus dans ce dessin qu'un coursier sans cavalier; qu'une masse de chair et de muscles emportant dans sa chute la sphère mystique du monde. A sa droite, le corps d'une femme à moitié dévêtue (serait-ce la Vierge ?) écrase dans son extase charnelle le corps du Christ.

Ainsi, loin d'avoir sauvé le monde, Bruegel et Heemskerck nous suggèrent ici que le christianisme n'a fait qu'accélérer sa chute. Privant le monde antique de son point d'équilibre (de sa croyance naïve en la culpabilité de la victime – du bouc-émissaire), le christianisme n'a pas seulement éclairé de sa lumière le monde antique – il l'a déstabilisé sans pour autant lui donner les moyens d'accéder au royaume de sa grâce.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Pieter Bruegel dit l'Ancien est un peintre flamand qui naquit près de Breda vers 1525 et mourut à Bruxelles en 1569.

fr.wikipedia.org/wiki/Pieter_Bruegel_l'Ancien

Maerten Heemskerck Maerten van Heemskerck (1498-1574) est l'un des portraitistes et peintres d'histoire majeurs des Pays-Bas.

fr.wikipedia.org/wiki/Maarten_van_Heemskerck
Lieu d'exposition

Institut Néerlandais

Bruegel, Heemskerck...

du 2 Octobre 2008 au 30 Novembre -0001

121, rue de Lille, 75007 Paris - Métro : Assemblée nationale

www.institutneerlandais.com