Fred Deux

Fred Deux et Cécile Reims à la Halle Saint-Pierre du 15 septembre 2008 au 8 mars 2009

Il y a des œuvres dont on ne sort pas indemne; des œuvres d'amour qui embrassent la souffrance comme si elle était le seul substrat qui vaille la peine d'être modelé ; oui, il y a des œuvres comme celles de Fred Deux, qui ne parlent pas à l'intellect mais à la folle du logis dont se méfie Malebranche, à cette imagination d'argile qui vacille sous le poids du passé et qui exige de notre volonté tremblante d'avancer dans les décombres de nos obscurités comme si elles seules pouvaient nous montrer les chemins de l'aube.

La mémoire retrouvée

Depuis plus de 60 ans, inlassablement, le peintre-philosophe Fred Deux s'interroge. Il fouille les arcanes de sa mémoire, y construit des chapelles, des cryptes, des sépulcres de lianes où viennent s'agglomérer, dans un désordre sacré, les images de son enfance. « L'idée tue l'art, l'originalité l'assassine » (Fred Deux, Continuum) : le seul art véritable est cathartique. Toute œuvre qui n'est pas l'expression de ce besoin viscéral ne mérite pas qu'on s'y attarde. Si ton œil est une occasion de chute – arrache-le, dit l'Évangile.

Plus qu'un artiste, Fred Deux est un « maître » – au sens où ce terme marquait, dans l'antiquité, la valeur spirituelle d'un homme. Les degrés de l'échelle céleste s'enfoncent dans la terre humide d'une cave et vouloir les gravir sans descendre revient à manquer le sens même de son ascension. Le visage de Dieu ne se dessine qu'en silence, dans les solitudes escarpées de nos blessures, là où le sang qui bat dans nos tempes guide notre main vers la plaie et transforme la pointe du crayon en scalpel. Dessiner la possession. Écrire l'exorcisme. Se montrer digne de la tâche qui nous a été assignée : mourir au monde; renaître chaque jour, patiemment, à même la surface blanche du papier.

Entre l'acte d'écrire et celui de dessiner il n'y a pas de différence. Ou plutôt, ces deux pratiques n'engendrent qu'une seule et même liberté - la liberté de devenir son propre interlocuteur. Fred Deux n'est pas un artiste au sens où d'ordinaire ce mot s'entend car la tâche qu'il s'est fixé est la plus simple et la plus rebutante de toute; elle est cette marche à reculons, cette marche sans honneur et sans espoir mais qui, à l'heure où les autres hommes s'endorment, apporte à celui qui lui a sacrifié sa vie, l'espoir et la vie nouvelle.

Parade Interne - Fred Deux

Toute œuvre qui n'est pas bâtie sur du sable s'édifie en marge de son créateur. Elle est un moyen et non une fin. C'est pourquoi les dessins de Fred Deux ne méritent ni l'admiration ni le reproche; ils sont – simplement – ce qui leur a été nécessaire d'être pour accomplir leur besogne : la transfiguration de la souffrance en formes. « Le verbe est chair et pain. Il partage le sort du pain et de la chair : la souffrance. » (Mandelstam, De la poésie). Seule la souffrance rend le geste de la main précis et sûr. L'art a été donné à l'homme pour lui apprendre à surmonter sa souffrance, à s'extirper de la violence et de ses rites pour en faire un instrument de plus au service de l'amour et de sa contagion.

Il n'y a pas de don qui ne soit le fruit d'une décision.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Fred Deux est né en 1924. Il vit et travaille à la Châtre.

fr.wikipedia.org/wiki/Fred_Deux
Lieu d'exposition

Halle Saint-Pierre

Fred Deux - Cécile Reims

du 15 Septembre 2008 au 8 Mars 2009

2, rue Ronsard - 75018 Paris - Métro : Anvers, Abbesses

www.hallesaintpierre.org