Régis Gonzalez

Les fils du sanglier

Aucune créature, aussi jeune soit-elle, ne peut se prévaloir d'être sans fondement. Toute chair prend sa source dans ses géniteurs et prolonge leurs manques : « Quel homme n'aurait pas raison de pleurer sur ses parents ? » Ainsi parles l'œuvre de Régis Gonzalez, peintre et dessinateur virtuose qui de la nature nous invite à en admirer les failles tout autant que les plus sublimes réalisations.

Les fils du sanglier

Fils légitime du tourmenté Goya peignant Ouranos dévorant ses enfants, Régis Gonzalez ne nous dévoile pas seulement les affres de l'enfance, mais s'interroge sur le désir qui les fait naître - sur la qualité de l'amour des parents. Renouant picturalement avec les techniques des maîtres les plus illustres, il repose d'une manière pertinente et frontale cette immuable question : Est-ce la Nature Morte, truie grasse trainant son ventre dans la boue, ou bien l'union lumineuse des contraires qui a présidé à notre naissance ?

On peut s'étonner, pour commencer, du titre que porte la série d'encres dans laquelle l'artiste a peint pour la première fois des paysages vierges et solitaires. Pourquoi « Daddy Dear » ? N'est-ce pas plutôt la Nature cosmique et féminine de Gaya qui nous est ici montrée ? Les taches noires s'y étalent sur un horizon blanc, chaos apparent sur lequel figure en réalité la photographie parfaite de la réalité. Mais cette réalité n'est pas statique : abstraction et réalisme s'y engendrent mutuellement et redonnent ainsi à l'imitation sa valeur la plus haute. Deus sive Natura – Dieu ou la nature dit Spinoza : là où l'effet enveloppe sa cause il n'y a ni créateur ni créature mais une seules et même substance capable d'exprimer une infinité de formes.

Enfant - Régis GonzalezNature Morte - Régis Gonzalez

Mais de la nature végétale, fruit miraculeux du troisième jour, naquit aussi l'homme et les animaux qui lui ressemblent. Ayant sans cesse à combattre la corruption et la mort, ces créatures imparfaites se jalousant l'une l'autre, Régis Gonzalez, fidèle encore une fois à la Nature (son seul modèle), nous les montre telles qu'elles sont la plupart du temps : figures terreuses et sauvages, grasses et sans apprêt, ou bien chétives et tristes et le corps couverts d'entailles.

Jouant encore une fois avec le langage pour nous mettre sur la piste de ses pensées, Gonzalez appelle Nature Morte sa série de dessins figurant le corps obèses de truies et de sangliers. Animaux ô combien symboliques, coupables dans le livre des Psaumes d'avoir piétiné la vigne, leur force sauvage et brutale nous donne la clé des figures enfantines qui hantent la quasi totalité de son œuvre. « Je voudrais que la Terre fut prise de convulsions et se mit à trembler quand s'apparie un saint avec une oie ! » s'exclame Nietzsche dans son Zarathoustra. Qui s'accouple par peur de la solitude où comme les bêtes, dans un moment d'absence, ne pourra jamais produire d'être qui le dépasse.

Le monde de l'enfance, plus malléable que la cire, est l'image parfaite des angoisses qui l'entourent. Ce n'est donc pas l'enfance en tant que telle qui intéresse Gonzalez, mais le terreaux d'amour qui l'enveloppe et qui seul peut faire de ces créatures chétives, l'image parfaite de la grâce.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Régis Gonzalez est un artiste français qui vit et travaille à Saint-Étienne.

www.regisgonzalez.canalblog.com
Lieu d'exposition

Galerie Galerie Métropolis

Régis Gonzalez

du 6 Décembre 2008 au 24 Janvier 2009

6 passage des Gravilliers, 75003 Paris

www.galeriemetropolis.com