Jadikan lightning project

Les virtualités du visible

Que la lumière soit ! C'est avec ces paroles que le monde s'illumina; que pour la première fois le créateur dit : « me voilà », je suis ici parmi vous – sensible et perceptible, capable de prendre toutes les formes. Je suis à distance et pourtant près de vous; je suis le plus proche et le plus lointain; mais vous me connaissez peut-être : je suis le corps diaphane du monde, je suis ce que votre oeil voit !

Les virtualités du visible

Mon nom est Jadikan. C'est un pseudonyme car ma création est plus large que ma vie. Ce n'est pas moi qui m'exprime, mais elle qui me pousse en avant. En malaisien, Jadikan veut dire : créer, faire, mais aussi modifier, transformer – devenir. Et c'est là un fait : c'est en créant Jadikan que je me transforme et que le monde lui-même s'engendre à nouveau. Mais n'allez pas croire que cette transformation reste sans écho. Le monde que j'explore n'est pas différent du vôtre. Il est seulement perçu d'un autre point de vue. Mais du quel ? C'est là toute la difficulté. Comment pourrais-je jamais vous le décrire ?

Photographe, je ne me lève que la nuit. J'ai horreur de la lumière du jour. Tout ce qui s'imprime sur la rétine de mon objectif, je veux en être le maître : je veux maîtriser tout ce que je montre. Tel un vampire craignant la lumière du jour, j'aime à traîner dans les faubourgs des villes, à hanter les lieux que vos âmes diurnes ont laissé à l'abandon.

Jadikan lightning project - Portrait - Jadikan lightning projectJadikan lightning project, bombe - Jadikan lightning project

En quête perpétuelle d'espaces en friches, je me nourris de murs taggés, d'usines en ruine et de châteaux désaffectés. Les faubourgs d'ombres sont mon royaume; la lumière ma terre d'exil.

Bricoleur inspiré, mes journées, je les passe à concevoir des lampes, des diodes, des torches; à inventer les pinceaux lumineux qui me serviront la nuit à couvrir l'espace de phosphorescences, d'apparitions nébuleuses et fluides – en tant qu'homme, oui, je ne suis qu'au service de ma création. C'est elle qui me dicte les dispositifs que j'invente. Ne me demandez donc pas : que cherchez-vous à faire ? Car seul ce qui est déjà fait nourrit mon imagination. Je ne peux vous dire qu'une seule chose : de l'espace je ferai ma toile et la lumière sera mon pinceau; je dessinerai dans l'air des lignes de couleurs, je réinventerai le monde – oui je ferai de l'espace visible une potentialité pure – terre vierge et malléable capable de tous les changements.

Pour moi, une photo n'est jamais rien d'autre qu'une action. Ce qui s'imprime est toujours la trace d'un mouvement. Avant d'être photographe, je suis chorégraphe, scénographe, danseur et taggeur : mais ce que j'aime par-dessus tout, c'est jouer avec d'autres, me laisser surprendre par eux, - improviser - oui, ce que j'aime par-dessus tout, c'est le moment panique où je me sens emporté par mon propre mouvement. En somme, je suis le scénariste et l'acteur d'un film dont j'ai perdu le scripte. En y réfléchissant, je crois que je ne peux vous dire qu'une seule chose de tangible : vous avez trente secondes; une minute, cinq minutes – rarement plus, pour faire de l'espace votre toile. C'est là ma limite : le temps.

Passé, présent, ce type de déterminations n'a plus cours dans mon monde. Toutes les histoires que je raconte se coagulent toujours en une seule image. C'est ainsi. C'est là ce que je garde de ma première pratique - la photographie.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Jadikan lightning project est un artiste français qui vit et travaille à paris.

www.jadikan-lp.com