Christian Zeimert

Au musée de Louviers, du 16 mai au 20 septembre 2009

Si Alcibiade comparait Socrate à un Silène, que dire de Christian Zeimert – peintre calembourgeois - dont les toiles sont tout autant de vraies pièces de peinture que de fausses énigmes pour qui les contemple. Maître es Panique - jouant avec l’histoire de l’art comme d’autres jouent aux échecs, son œuvre est un hommage rendu à la peinture moderne doublée d’une interrogation irrespectueuse sur les idoles de notre temps.

Le silène de giverny

De pareille œuvres sont des miroirs, quand un singe s’y regarde, il ne peut y découvrir un apôtre.
Georg Christoph Lichtenberg

Satiriste impénitent, maniant le pinceau comme d’autres manient la plume, le détonateur de son inspiration est toujours resté le même : mettre en image des jeux de mots. Mais pour autant, il serait dommageable de prendre ses peintures pour la simple illustration d’une expression. Opposant aux sens des mots les discours silencieux des images, le lien qui, chez Zeimert, unit une oeuvre à son titre fonctionne toujours sur le mode de l’aller-retour.

Si le titre donne bien à l’image son sens, l’image, quant à elle, ne manque jamais de venir perturber l’ordre du discours qui prétendait dévoiler son sens. Ce mouvement de va-et-viens entre mot et image correspond d’ailleurs, soit dit en passant, à la définition que donne Schopenhauer du rire : « le rire révèle toujours un désaccord entre un concept et l’objet qu’il sert à représenter, c’est à dire entre l’abstrait et l’intuitif ».

Mais les peintures de Christian Zeimert ne sont pas seulement drôles. L’humour qui les traverse n’est qu’un moyen, qu’une via negativa, pour atteindre à un but autrement plus élevé et spirituel. Pour comprendre cette dernière idée, prenons ici comme exemple le tableau ayant pour titre : « Latour prenant sa vessie pour une lanterne ».

Latour prenant sa vessie pour une lanterne - Christian ZeimertJob moqué par sa femme - Christian Zeimert

De prime abord, cette toile semble n’être qu’une blague en forme d’hommage au maître du clair-obscur, Georges de la Tour. Mais pour qui prendra le temps de méditer cette œuvre, un sens bien plus profond lui apparaîtra.

Souvenons-nous, pour commencer, des mots restés célèbres, de René Char, commentant le tableau original de Latour : « Le femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours . » A l’inverse, dans l’œuvre de Zeimert, Job ne fixe plus ses regards sur une présence extérieure et secourable, mais sur sa vessie – sombre lanterne n’éclairant que son ventre. La solitude de Job est donc ici déterminante ; c’est elle qui donne au tableau son contenu véritable : seule la transcendance d’une parole qui nous est extérieure peut nous sauver des faux jugements que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.

Ainsi, sous l’apparente légèreté des titres et de la démarche, se cache une œuvre profonde et complexe dont l’intention véritable – au delà du rire salutaire qu’elle provoque – est de nous tendre un miroir en nous posant cette question : qui vois-tu sous mes toiles, un singe ou un apôtre ?

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Christian Zeimert est un artiste français qui vit et travaille à Giverny

Lieu d'exposition

Musée de Louvier

Panique ! Christian Zeimert s'exp(l)ose au musée de Louviers

du 16 Mai 2009 au 20 Septembre 2009

Place Ernest Thorel Hôtel de ville. LOUVIERS 27400