Duane Hanson

Le cauchemar de Platon

Si le royaume de l’artiste est bien, comme le voulait Platon, le royaume de l’illusion et du mélange, autrement dit, le royaume où se mêlent apparence et réalité, que dire de l’œuvre de Duane Hanson, sinon que s’accomplit en elle le cauchemar de Platon. Peuplée de doubles n’ayant pas seulement l’apparence physique de leurs modèles mais aussi, ce « je ne sais quoi » en plus qui fait toute la différence, l’œuvre de cet artiste nous projette au cœur d’un monde fantasmatique où l’art n’est plus l’objet de notre contemplation, mais le point de départ d’une expérience magique où les objets qui nous entourent s’animent, et semblent, tout comme nous, dotés d’une âme.

Le cauchemar de Platon

« Copiant une tautologie, nous devenons nous-mêmes tautologies : candidats à être ce que nous sommes… nous cherchons des modèles, et nous contemplons notre propre reflet.»
Jean Baudrillard

Assis sur un banc, un couple de retraité regarde en silence la salle. Bien que ne bougeant pas, chacun d’eux semble pourtant bien ici et là - sensiblement présent – ou du moins autant que cet autre petit garçon, lui-même assis sur un banc. Mais voilà que tout à coup le petit garçon se lève et s’approche du couple qui le regardait. Il les dévisage et les observe avec une curiosité presque malsaine, comme si ce couple n’existait pas. Voilà, en abrégé, l’expérience qu’il m’a été donné faire en arrivant à l’exposition Duane Hanson – Le rêve américain. Expérience ô combien rare et déroutante que celle d’être véritablement trompé, et que d’avoir à reconnaître que l’espace d’un instant, l’apparence est devenue plus réelle que la réalité (serait-ce là ce qu’il convient d’appeler l’hyperréalisme ?)

Queenie II - Duane HansonOlde couple on a bench - Duane Hanson

Mais à ce premier « traumatisme » visuel est venue s’ajouter – immédiatement après - quelque chose comme une fascination perverse pour ces corps ni vraiment vivants, ni tout à fait morts. Car en recréant à l’identique des personnes ayant réellement existées, Duane Hanson ne nous offre pas seulement la possibilité d’observer ce que fut l’Amérique des années soixante-dix (comme le disent trop souvent ses commentateurs) mais bien d’ausculter à la loupe et dans ses moindres détails un regard, un visage, un corps n’ayant plus conscience d’être regardé. Pour une fois, et pour une fois seulement, le voyeur qui sommeil en chacun de nous à le droit – et presque même le devoir devrais-je dire - de jouir sereinement de son anonymat : il a le droit de regarder – même si la personne qu’il observe ne sait pas qu’il la voit.

Mais que regardons-nous, au juste, dans ces visages ? Serait-ce d’abord à l’apparence physique – à la couleur des cheveux, des yeux, et peut-être plus encore à la tenue vestimentaire des ces personnages – que notre attention se porte, ou bien sommes-nous d’avantage fascinés par l’expression même de leur singularité - par telle ou telle ride sillonnant un front, par telle ou telle varice, zébrant une jambe, par tel ou tel regard plongé dans la nuit d’une conscience ? Une chose est sûre : l’écart ici entre l’être et l’apparence - entre ce qui se laisse facilement classer dans une catégorie et ce qui échappe par définition dans un regard – nous guide vers cette vérité, que même Platon, du fond de sa caverne, n’aurait pu révoquer en doute :

« Pour moi, la résignation, le vide et la solitude des gens ordinaires des classes populaires et moyennes de l’Amérique d’aujourd’hui, captent la véritable réalité de la vie de ces gens… Je souhaite atteindre un réalisme sans concession qui parle des fascinantes idiosyncrasies de notre époque. »

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Duane Hanson est un artiste américain.

fr.wikipedia.org/wiki/Duane_Hanson
Lieu d'exposition

Parc de la vilette

Le rêve américain...

du 21 Avril 2010 au 15 Août 2010

http://www.artup-tv.com/44-article-henri-rousseau.