Mario Ceroli

La forza di Sognare

Si l’histoire de l’art se résume à celle de ses créateurs, il est bon d’y faire entrer Mario Ceroli comme l’une des figures majeure de l’Arte Povera. Bien que ne faisant pas vraiment parti du cercle de ses intimes - Ceroli n’est que rarement cité comme membre de ce mouvement – il en incarne pourtant l’une des tendances les plus profondes et les plus stimulantes. A l’instar de ses condisciples, son œuvre est faîte de citations et de détournements – mais à la différence cette fois d’un Manzoni, Ceroli ne semble jamais avoir voulu faire de son art une arme politique tournée contre le pouvoir et la société de masse.

La forza di Sognare

« Faire siens tous les millénaires de l’histoire humaine et y puiser la force d’ouvrir les millénaires à venir n’est pas de l’ordre de la connaissance, mais relève de la force d’âme. C’est une question de « puissance et d’amour. » Monique Dixsaut

Tel Epicure ayant fondé son école autour d’un jardin, Ceroli vit et travaille dans un endroit proche du jardin d’Eden – à quelques kilomètres du Vatican. Gardé par trois grands chiens blancs, ce n’est pas seulement l’atelier de l’artiste que ce jardin abrite – mais une sorte de musée bâtit par un fou qui se serait donné pour tâche de reconstruire (en ne prenant pour base de ses œuvres que des matériaux pauvres – bois, cendres, sable, clous, cartons, débris de verre) les plus grands chefs d’œuvres de l’histoire de l’art. Tout y est : des sphinx de l’Egypte aux Dieux de l’olympe, des cavaliers d’Uccello à l’homme universel de Léonard de Vinci. Ceroli est un artiste à l’appétit pantagruélique ; une sorte d’enfant prodige de la sculpture capable de se mesurer – sans trembler – aux plus grands génies de l’art.

C’est pourquoi, pénétrer dans son atelier relève du tour de magie ou du conte de fée. Tout y est démesuré – monumental. Un cheval se cabre à trois mètres au dessus du sol ; le visage de Neptune, deux fois plus grand qu’un homme, crache un océan de flamme ; une vague de verre, longue de plus de quatre mètres, miroite dans la lumière. Et pourtant, tout comme Ulysse, nous n’avons pas encore rejoint Ithaque. Nous précédant d’un pas, Ceroli nous invite à poursuivre la visite – à oser nous perdre avec lui dans le dédale. Des visages de Madones, des corps d’éphèbes, des grimaces de Méduses, à en perdre haleine nous tentons de ne pas détourner notre regard – de ne pas succomber à la sensation de surabondance ; au vertige de la profusion. Notre admiration est béate.

Momie - Mario Ceroli

Tel un divin mercenaire n’ayant d’autre loi que celle de sa passion, Ceroli incarne à la perfection ce que Nietzsche, dans sa deuxième considération inactuelle intitulée « De l’utilité et de l’inconvénient de l’histoire pour la vie » nomme - la force plastique d’un artiste : « je veux dire cette force qui permet de se développer hors de soi-même, d’une façon qui vous est propre, de transformer et d’incorporer les choses du passé, de guérir et de cicatriser des blessures, de remplacer ce qui est perdu, de refaire par soi-même des formes brisées .» Forçant ainsi le passé à faire retour dans notre présent, Ceroli n’est pas simplement un artiste de talent mais une véritable force vive, un trickster n’ayant pour seule devise que celle inscrite sur le seuil de son atelier : La forza di sognare – la force du songe.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Mario Ceroli est un artiste italien membre de l'Arte Povera.

www.ceroli.com/
Lieu d'exposition

Galerie Galerie Tornabuoni Art

Mario Ceroli, The pope of Arte Povera

du 8 Octobre 2010 au 11 Décembre 2010

16 avenue Matignon, 75008 Paris

www.tornabuoniart.fr