Eric Lacombe

Le chaos devenu chair

La chair des couleurs est au monde des formes ce que l'angoisse est à celui de l'intériorité : une béance, une faille et, peut-être même plus encore, une plaie. Voilà pourquoi les figures d'Eric Lacombe ne sont pas des portraits - mais la représentation blessée d'une âme luttant contre ce qui voudrait faire de sa mort le signe de son identité.

Le chaos devenu chair

« Pourquoi l'envers qui est l'unique endroit est-il jalousé par le revers alors qu'il est l'inaliénable surface dont le plein est le seul état. »Antonin Artaud

La chair des couleurs est au monde des formes ce que l'angoisse est à celui de l'intériorité : une béance, une faille et, peut-être même plus encore, une plaie. Voilà pourquoi les figures d'Eric Lacombe ne sont pas des portraits - mais la représentation blessée d'une âme luttant contre ce qui voudrait faire de sa mort le signe de son identité. A l'instar du poète Pessoa qui, le premier, sut faire de son éclatement le point de départ d'une galerie d'anti-portraits (d'hétéronymes), et si les oeuvres d'Eric Lacombe tentaient de nous montrer que l'homme n'est pas une unité, mais un composé de forces luttant les unes contre les autres pour affirmer, ne serait-ce que temporairement, leur fragile souveraineté ?

Mais plutôt que d'anti-portraits, peut-être faudrait-il mieux parler de survivances ou de retour de refoulé pour décrire l'ensemble des déformations qui affectent chacune de ces figures. Car il est bien clair que ces peintures ne nous montrent pas l'état définitif de ces êtres suppliciés - mais se contentent de nous suggérer que dans cette danse à la mort qui les détruit, il n'est pas d'états ni de formes qui ne soient capables de durer. Telles des fantômes n'ayant pour identité que l'insaisissable peur de celui qui les a enfanté, les oeuvres d'Eric Lacombe nous projètent dans un monde où la réalité n'est plus qu'une ombre parmi les ombres – qu'un vestige parmi les débris.

Quoi d'étonnant, dès lors, si ce qui confère d'ordinaire à un portrait le principe de son identité soit systématique barré ou effacé ? Des yeux, Eric Lacombe ne conserve généralement qu'un emplacement creux et dénué de toute expressivité. De la bouche, qu'une sorte d'orifice informe privant ses personnages de la possibilité même de pouvoir s'exprimer. Effigies du manque, corps castrés - là où eussent dû être des hommes, nous ne voyons plus que des lambeaux d'âmes dont la charge pathétique n'a d'égale que la violence du tourbillon qui les emportent dans un devenir muet. A l'instar d'un Michel Foucault porphétisant, dans son livre Les mots et Choses, la fin prochaine de l'homme, Eric Lacombe nous dévoile l'envers raturé de notre modernité.

T013 - Eric Lacombe

« L'homme est une invention dont l'archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine. (…) L'homme s'effacera, comme à la limite de la mer, un visage sur le sable1. »

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Eric Lacombe est un artiste français qui vit et travaille à Lyon.

eric-lacombe.blogspot.com/
Lieu d'exposition

Galerie Galerie Lazarew

Eric Lacombe - COO PO TOO

du 3 Mars 2011 au 19 Mars 2011

14 rue du Perche, 75003 Paris.

www.galerie-lazarew.fr