Jean-François de Bus

L'agneau moderne

Arrière petit fils spirituel des peintres mystiques flamands, Jean-François de Bus n'est pas un artiste dont l'oeuvre se laisse aborder facilement. Mêlant, avec une cohérence surprenante, ce qui d'ordinaire n'a de sens qu'à faire l'objet de représentations différentes (le monde profane et le monde sacré), ses compositions baroques nous livrent, dans un style proche de celui d'un Diego Riveras, une vision à la fois drôle et profonde des contradictions sur lesquelles reposent notre modernité.

L'agneau moderne

« L'herbe, dans les rues de Pétersbourg, n'est autre que les premières pousses de la forêt vierge qui viendra recouvrir le site même des villes modernes. Toute cette jeune verdure, vive et tendre, étonnante de fraicheur, appartient à une nouvelle nature spiritualisée. »Ossip Mandelstam

Tantôt fasciné par la vitesse et la technique (par la beauté plastique d'un avion, d'un train, d'un immeuble ou d'un pont), tantôt par l'iconographie biblique ou l'histoire de la peinture, ce qui donne sa valeur à l'oeuvre de ce peintre-poète n'est pas seulement lié à la richesse de son vocabulaire graphique, mais bien aussi, à la manière dont chacune de ses toiles parvient à déconstruire le sens des références qui les composent – à leur assigner une place et un sens différent sur le grand échiquier de la culture occidentale.

C'est pourquoi, s'il nous fallait définir d'un mot le style de Jean-François de Bus, nous serions tenté de lui appliquer le terme de « structuraliste ». Car, à l'évidence, son approche de la composition, reposant pour l'essentiel sur un usage brillant de la syncope et de la mise en apposition, implique de repenser le sens des figures qu'il emploie en fonction de la place et des relations qu'elles occupent les unes par rapport aux autres. Jean-François de Bus le confesse d'ailleurs lui-même, à propos d'une de ses toiles (Le temps des gentils) quand il écrit : « Dans ce bouleversement, dans ce chaos apparent, les civilisations et la mémoire subsistent, donnant ainsi une vision de plusieurs mondes enchevêtrés. Dans un même mouvement donc, je conjugue modernité et vestiges du passé.»

Moïse - Jean-François de BusSaint Lazare - Jean-François de Bus

A cette impression de « chaos apparent » - de syncrétisme des cultures - il est donc important d'ajouter celle d'un ordre implicite des références. Car il est bien clair que pour celui qui saura prendre le temps de s'intéresser aux centaines d'événements qui s'affrontent dans ses peintures (où coexistent, sur un pied d'égalité, toutes les cultures et toutes les époques), et qui aura la force de laisser son imagination errer sans préjugés au grès des couleurs et des formes qui en composent comme l'architecture latente, ne manquera pas de se révéler à lui, dans une sorte de transe, le sens ésotérique de ces toiles. Mais ce sens, quel est-il ? Risquons, pour clôturer notre article, de lui appliquer notre propre hypothèse.

A l'inverse des peintres de la renaissance qui n'eurent de cesse d'intégrer, au sein de l'iconographie chrétienne, des représentations de la vie profanes, le but de Jean-François de Bus n'est autre que celui de réintroduire, au coeur d'une iconographie néo-pop, une dimension spirituelle et, plus profondément peut-être, religieuse. Usant des symboles de l'histoire sainte (et tout particulièrement, de celui du divin paraclet) comme de véritables contre-point venant tempérer les désordres de notre époque (son apocalypse visuel), ces peintures ne visent pas seulement à nous mettre sous les yeux la représentation d'une Babylone moderne, mais à nous en donner, aussi, le principe de son auto-transcendance.

« Le temps des gentils » écrit Jean-François de Bus, «est un récit dessiné sur la luxuriance, un poème sur le tragicomique de l'épopée humaine. Mais c'est aussi l'histoire d'une rédemption. »

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Jean-François de Bus est un artiste français qui vit et travaille à Paris

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