Evelyne Galinski

La nuit éveillée

Qu'est-ce que ressusciter de son vivant ? Qu'est-ce que renaître à la vie ? Telles sont les questions que chuchotent - à qui à des oreilles pour entendre - les oeuvres d'Evelyne Galinski. Car envers et contre les signes de mort qui hantent son univers (les suaires, les corps décomposés), envers et contre l'atmosphère de tombe et le sérieux que propagent autour d'elles ces sculptures, c'est toujours vers une sorte de lumière incolore que semblent vouloir se tourner leurs yeux fermés. Mais cette lumière – cette sagesse de l'ombre – d'où vient-elle ? Voilà le mystère auquel nous voudrions nous éveiller.

La nuit éveillée

« Jésus cria d’une voix forte : Lazare, sors ! Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Puis Jésus dit à ceux qui l'entouraient : Déliez-le, et laissez-le aller. » Evangile de Jean

Telle une poète partie en quête d'une pierre capable de convertir en or la matière noire de ses peurs, les figures qu'invente Evelyne Galinski ont ceci de particulier qu'elles sont capables d'évoquer ce qui se tient en-deçà du monde. Ce qui sous sa peau de lumière patiente. A la fois visages de la terre (arborant les signes de la finitude) et vestiges d'un ciel déchu (soulevé pourtant d'un élan), c'est marquées du sceau paradoxal de cette impossible rencontre que ces sculptures s'offrent à nous.

Image charnelle de ce que signifie le symbole de la Croix (dans lequel se rencontrent le devenir (l'immanence) et l'éternité (la transcendance) en un Instant paradoxal) elles se tiennent sur cette ligne fragile où le rire rencontre les larmes et le néant sa vérité nue. Voilà pourquoi il peut parfois sembler si difficile d'évoquer ce qu'ont de spécifique ces oeuvres limites -- sans, dans le même temps, avoir la sensation de les trahir - de les profaner.

Sans titre - Evelyne GalinskiSans titre - Evelyne Galinski

Car il est bien clair que la contradiction qu'elles abritent ne supporte aucune synthèse, aucun temps d'arrêt dans son mouvement.

Ni vivantes, ni mortes, les yeux fermés, le visage apaisées, ces figures font signe vers un au-delà. La mort, en elle, ne s'oppose pas tant à la « vie vivante » qu'à la « vie morte » – autrement dit, qu'à la vie en tant qu'inconscience, que réclusion volontaire dans le rêve : que vie ayant choisi, de son vivant même, le confort de la tombe et l'exil de la nuit ?

S'enfonçant pourtant dans cette nuit - éveillée, les êtres qui peuplent l'univers d'Evelyn Galinski sont la trace fragile d'un moment de grâce. D'un miracle esthétique. Car si la figure de Lazare (sortant du tombeau) représente bien une certaine idée de la mort en vie, elle n'en reste pas moins aussi le paradigme d'une vie s'arrachant aux artifices de la vie morte et marchant (enfin) vers la lumière d'une vie pleinement vécue.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Evelyne Galinski est une artiste française.

evelynegalinski.com/