André Houllier

Le besogne des images

Contre la dictature publicitaire qui voudrait faire de l'image une simple vignette illustrant un concept ou un produit, André Houllier, reprenant la quête d'un Aby Warburg ou d'un Georges Bataille, se propose de rendre à l'image sa dimension critique, et au spectateur sa liberté d'interprétation. Focalisant son attention sur les relations qui unissent ses productions plutôt que sur leur contenu singulier, son oeuvre n'acquiert son sens véritable qu'à partir de l'instant où elle est perçue comme une totalité, autrement dit, comme un ensemble vivant de signes et de symboles dont le sens finit par se confondre avec la travail de déplacement (la besogne) que chacune de ces images accomplit au contact des autres qui l'entourent.

La besogne des images

«La besogne, unité lexicale arrachée au code symbolique, articulée sur des pratiques extra-linguistiques, chargée d'une intensité qui renvoie, non pas à un procès représentatif et communicatif, mais à une productivité dans laquelle l'image n'est pas définie par ce qu'elle veut dire (son « sens ») mais par ce qu'elle fait, par les effets qu'elle produit. (sa besogne)». Georges Bataille

Au commencement était la succession, la suite, la variation. Non pas la recherche esthétique d'une forme, ni l'effort conscient pour rendre sensible une idée, mais le constat pur d'une dispersion et le besoin vital de trouver le moyen plastique le plus authentique pour l'organiser. Ayant commencé son « activité » d'artiste en notant, sur des petits carnets, les impressions, formes, slogans, images, réflexions et idées qui lui traversaient l'esprit, le travail d'André Houllier se veut d'abord le reflet d'un flux de conscience (stream of consciousness), la marque sensible d'une subjectivité n'ayant d'autre unité que celle d'une série d'associations libres et, de sens, que celle d'une mise-en-crise de son principe d'identité.

Mais à ce premier travail d'introspection – de collecte inconsciente de données – André Houllier ressentit rapidement la nécessité d'ajouter une recherche plus critique dont le problématique de fond pourrait être formulée comme suit : de quelle manière une image peut-elle en critiquer une autre ? Ou, pour être plus précis encore : dans quelle mesure l'ordre sous-jacent à une succession temporelle peut-il faire l'objet d'une relecture spatiale ?

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C'est à ce travail harassant de remise en ordre, à cette quête éperdue d'un principe de lecture strictement visuel, que s'est alors consacré la créativité de cet artiste dont la démarche, dans sa radicalité, pourrait être comparée à celle d'un psychanalyste cherchant à faire transparaître, par delà-là le contenu manifeste que lui apporte son patient, son contenu latent.

« Toutes les images que je fais, je les place sur le mur de mon atelier. C'est mon Atlas Mnémosyne1. Je les déplace ensuite, les aligne dans un ordre différent. Je cherche sans cesse des moyens de nouer des correspondances, de faire apparaître des liens que je n'avais pas perçu auparavant. Je pourrais comparer ce travail à celui d'une d'auto-analyse.»

Monteur d'images, plus encore que peintre, c'est vers une sorte de « synthèse en flamme » – pour reprendre, ici, l'expression qu'employa Georges Bataille pour parler du travail du cinéaste russe Eisenstein2 – que le travail d'André Houllier tente de nous faire parvenir. Ne cherchant ni à produire un réseau de sens qui puisse faire l'objet d'une lecture linéaire, ni moins encore à rendre cohérente une proliférations d'images qui, dans son essence, ne peut qu'être infinie, son oeuvre doit bien plutôt être pensée comme la saisie sensible d'une déchirure – comme la mise-en-forme plastique des contradictions et incohérences qui hantent les couches les plus profondes de sa personnalité.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

André Houllier est un artiste français.

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