VAL

L'édifice défié

Comment faire voir qu'entre la complexité géométrique des lignes d'une ville et l'apparent chaos primitif d'un débordement de couleurs ne se tient pas seulement la ligne fragile d'une crise, d'un conflit, d'un apocalypse, mais bien aussi le lieu d'une rencontre étonnamment harmonieuse des contraires ? Comment faire sentir que les zones où le motif tremble - où la ligne devient tâche et le noir du trait pur éclat de couleur – ne s'opposent pas nécessairement à la substance du motif lui-même, mais en marque plutôt l'origine, le sens et la destination ? Voilà le type de questions que travaille plastiquement VAL. Et voilà aussi le type de forces – forces cosmiques, cycliques, toujours dotées d'une double polarité – sur lesquelles son langage nous invite à méditer sous une forme visuelle.

L'édifice défié

« En art, et en peinture comme en musique, il ne s'agit pas de reproduire ou d'inventer des formes, mais de capter des forces. C'est même par là qu'aucun art n'est figuratif. »
Gilles Deleuze

Quelque soit la singularité de chaque toile que peint VAL, il est une constante structurelle (en plus de celle du support en aluminium – support qui donne à ces oeuvres leur incomparable éclat) qu'il est important, pour commencer, de noter. Il y a, en effet, toujours, d'un côté, les espaces construits : l'espace de la ville, de la géométrie, de l'abstraction, des lignes, des aplats de couleurs; et, de l'autre, les espaces libres, primitifs, où se forgent les symboles : signes, lettres, figures. Autrement dit, il y a toujours, d'un côté, le monde profane de l'édifice, de la rationalité, du progrès, de la maitrise, du projet, de la science et, de l'autre, le monde sacré de l'effigie, du symbolisme archaïque ou inconscient, du sacrifice, de la nature sublime et toute puissante. Et, entre ces deux écritures, ces deux langages, non pas l'espace vide d'une distinction abstraite, mais l'espace concret d'un jeu de couleurs et de formes. Unio sympathica disent les théosophes. C'est-à-dire, rencontre paradoxale d'éléments qui d'ordinaire s'opposent, se rejettent ou s'indisposent.

Mais comment VAL s'y prend-elle pour mettre en scène une telle rencontre ? Avec quelles ruses, quelle grâce, quelle magie parvient-elle à faire jouer ensemble ce qui spirituellement d'abord (le sacré et le profane) et visuellement ensuite (l'abstraction et la figuration ) s'opposent ? Pour répondre à une telle question, il faut commencer par se demander : qu'est-ce qui vient en premier dans ces peintures ? Serait-ce l'espace construit de la ville, ou bien l'espace furtif des figures?

Urbanité bleue - VALRésonance - VAL

A l'évidence, c'est l'espace de la ville. C'est lui, en effet, qui tient lieu de fond, de structure, de décors; c'est lui qui, toujours, donne aux oeuvres de VAL leur espace, leurs lignes, leur profondeur; c'est lui, encore, qui suggère aux figures la place et la forme qu'elles devront prendre afin de pouvoir s'inscrire harmonieusement dans la totalité qui les précède; et c'est lui, enfin, qui, par ses lignes noires et ses aplats gris, donne aux couleurs primaires qui composent les figures (couleurs qui en sont comme la signature sauvage), leur véritable caractère transgressif.

On pourrait se demander, enfin : quel type de relation existe-t-il entre les figures et l'espace dans lequel elles viennent s'insérer ? Ces figures ont-elles pour fonction de venir détruire l'espace ordonné qui les soutient, ou bien, au contraire, tendent-elles à venir en confirmer le bien fondé et la durable permanence ? Là encore, la réponse, bien qu'en un sens complexe, n'en reste pas moins claire et intelligible. En effet, dans une toiles comme Les 5 visiteurs, par exemple, il est évident que l'équilibre que forme l'irruption volcanique des 5 visiteurs, et l'architecture à la fois simple et solide qui les supporte, n'est pas un équilibre qui viserait à préserver l'unité de ces deux mondes mais, à l'inverse, un équilibre qui nous suggèrerait, plutôt, que l'avenir de notre civilisation n'est plus à chercher dans une lutte contre les pulsions archaïques sur lesquelles nos sociétés se fondent, mais, au contraire, sur une reconnaissance et une intégration plus large de ces forces. Car ces forces archaïques, ces figures, ces pulsions, quoiqu'on cherche à en dire, et quoi qu'on cherche à en faire, n'en restent pas moins, dans leur violence et leur fécondité (qu'on pense, ici, à soleil), la source même de notre univers – et, par conséquent, aussi, de n'importe quel type de civilisation.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

VAL est une artiste française.

www.val-artiste.com