Laëtitia Férard

Exposition à la galerie Artegalore du 11 décembre au 14 février 2009

Qu'y a-t-il de plus saisissant qu'un accord harmonique de couleurs - gloria in excelsis s'élevant de la toile pour venir frapper l'œil du spectateur ? Rien, sinon peut-être le miracle de voir y apparaitre une forme; une ligne dure composant avec cette première note fondamentale, comme l'idée d'une mélodie. Peintre éruptive, trempant sa palette dans les forges de Vulcain, Laëtita Férard nous conduit dans un dédale volcanique aussi complexe et puissant, par moments, que l'enfer de Dante.

Entre deux abîmes

Où sommes-nous ? Dans quelle apocalypse, dans quel purgatoire ? Serait-ce des tripes, des boyaux, des viscères que je vois ? Non, ce ne sont que flammes, vents violents et courants de laves tournant sur eux-mêmes ! Et que sais-je encore ? Des noms, je n'en ai plus pour décrire ce que mes yeux osent à peine entrevoir. Ou bien alors serait-ce mon imagination qui, trop prude, se refuse à comprendre ce qui ici la frappe ? Quel œil devrais-je ouvrir pour qu'une forme enfin s'avance ? L'œil d'une machine – peut-être, isolant de ce bouillonnement informe l'espace infime d'une seconde.

Ça y est. Maintenant je vois; oui je vois l'œil mort d'une oie baignant dans ses plumes. Je vois son bec, son cou, et son gros corps noir. Et je vois tout cela dans un tourbillon ! Oui, maintenant je vois. Et pourtant, quelque chose me trouble encore. Et ma pupille s'obscurcit. Serait-ce l'œil de la prophétie - globe diaphane couvert d'un fin duvet de plumes – qui se tient devient moi ? Serais-je le témoin d'un sacrifice ? Qu'y a-t-il de commun entre les mouvements explosifs de la lave et le meurtre d'une oie, plumée puis passée à la centrifugeuse ?

Photo - Laëtitia FérardLa cochon machie - Laëtitia Férard

Ne me répondez pas : l'univers de Laëtita Férard. Cela serait trop simple. Non, ce qui s'étend entre ces deux abîmes, ce n'est rien d'autres que l'univers archaïque de nos pulsions; univers se livrant à ses débordements aussi simplement qu'une rivière tombe du haut d'une cascade. C'est ainsi, comme l'écrit Hamann : Les sens et les passions parlent et ne comprennent rien d'autre que des images.

Or qu'y avait-il au commencement sinon un congloméra de forces luttant pour qu'advienne un monde à leur ressemblance – un ciel plus épuré et pâle contenant dans son firmament l'ébauche de milliers d'organes, de membres, de parties toutes prêtes à s'assembler pour créer – ensemble – un corps enfin vivant.

Croyez-moi, ce qui se trame dans les toiles de Laëtita Férard n'est ni pensé, ni espéré, ni voulu. Les choses se font. Peintre de la primitivité, au sens le plus spirituel du terme, son œuvre touche à l'origine qui est le commencement et la fin tout autant que le présent qui se tient devant nous. Mais c'est à Laëtitia Férard Photographe, que revient la tâche plus ingrate de saisir - sur le vif - le meurtre occulté sur lequel toute notre société se fonde.

Frédéric-Charles Baitinger

Artiste

Laëtitia Férard est une artiste française.