Rebeca Olguin
Petite cosmogonie du fantasme
Peuplés de chimères aux formes étranges, les dessins de Rebeca Olguin, à l'instar des bestiaires du moyen-âge, réclament de ceux qui cherchent à en pénétrer le sens, d'être regardés comme des signes plutôt que comme des symboles. Car si le symbole, dans sa matérialité même, se rapporte directement à ce qu'il symbolise, le signe, quant à lui, est toujours signe d'autre chose. Or, il est bien clair qu'à travers sa série d'Artefacts, Rebeca Olguin ne nous donne pas simplement à voir l'objet de ses fantasmes, mais nous invite à méditer sur l'origine de ce qui les a produit et, plus certainement encore, sur le fondement de leurs métamorphoses.
Petite Cosmogonie du fantasme
Que ce soit dans son dessin intitulé Desiregn, ou bien encore, dans cet autre, encore plus énigmatique, Interface gadgets, une chose semble à peu près certaine : Rebeca Olguin a crée des formes à l'identité incertaine, voir même flottante. Oscillant sans cesse entre deux états – tantôt mâle, tantôt femelle, ces naïve artifacts of compulsion sont d'abord et avant tout des instanciations d'une forme « phallique » plus primordiale; autrement dit, d'une forme représentant le désir en tant qu'il cherche à se réapproprier l'objet perdu – l'objet d'amour. C'est pourquoi, chacune de ces créatures n'a de valeur que dans la mesure où elle représente un état transitoire et fragile de son être; un état dont le manque d'identité n'a d'égal que la puisse du désir qui la pousse à se transformer.
Mais à ce premier aspect formel il faut encore en ajouter un autre. En effet, à l'instar des philosophes antiques pour qui le cosmos n'était que le déploiement, sous la forme de quatre éléments (l'eau, l'air, la terre et le feu), d'une souffle (pneuma) ou d'une énergie impersonnelle, le polymorphisme de ces œuvres ne repose, lui aussi, que sur la juxtaposition de quatre figures dont la simplicité s'oppose aux formes qu'elles font naître – comme si les fantasmes les plus énigmatiques de nos vies d'adultes n'étaient qu'une série de variations autour d'un petit nombres de forme plus primitives et plongeant leurs racines au cœur des archétypes qui peuplent notre inconscient.
Voilà pourquoi, peut-être, Rebeca Olguin a choisi de décrire ces figures à l'aide d'un langage ne communiquant à ses spectateurs aucune information. Comparables, en cela, à la structure d'un symptôme dont le rôle est d'attirer l'attention plutôt que de communiquer un savoir précis, ces notices jouent le rôle d'un leurre dans l'économie d'ensemble de ces dessins. Car n'étant pas un langage – mais seulement son semblant – ces notices fonctionnent comme des pièges : elles attirent l'attention de celui qui essaie d'en comprendre le message pour mieux le plonger, l'instant d'après, dans l'étonnement le plus total.
"C'est bien la maladie qui a été l'ultime fond de la poussée créatrice; en créant je pus guérir, en créant, je trouvai la santé." Heinrich Heine
Fidèles en cela à l'enseignement de Freud, ces œuvres nous donnent donc à voir – et à comprendre – que nos fantasmes ne sont jamais qu'une superposition d'images plus primitives et dont la provenance et le sens ne peuvent être donnés de l'extérieur. Reformulé sous forme de questions, voici ce que le silence de ces œuvres nous demande : de quel côté du phallus penche ton désir, serait-ce du côté de l'homme ou de la femme ? Et puis surtout : quels sont les archétypes à partir desquels se déploient tes fantasmes ?
Frédéric-Charles Baitinger
Rebeca Olguin est une artiste mexicaine qui vit et travaille à New-York
www.rebecaolguin.comGalerie Numu Arts collective
Liminal Bodies
du 23 Juillet 2010 au 5 Août 2011
75 Stewart Ave, Brooklyn, NY, 11237
www.numuartscollective.org